Image

Présomption d’innocence : les raisons de la colère

presomption-dinnocence

Alors qu’un homme visé par une plainte pour viol a récemment été promu ministre de l’Intérieur, attisant un feu de colère chez de nombreuses femmes, l’argument de la présomption d’innocence ne cesse de revenir sur le devant de la scène, opportunément manipulé par des petits malins qui y voient la bouée de sauvetage de ce remaniement désastreux. 

Mais qu’est-ce que la présomption d’innocence, et pourquoi ne peut-elle suffire, à elle seule, à clore la discussion ? 

La présomption d’innocence : qu’est-ce que c’est exactement ?

Parce qu’il vaut mieux savoir de quoi on parle quand on évoque un concept, voyons ce qu’est, en droit français, la présomption d’innocence. 

Comme l’explique cette tribune publiée par un collectif de femmes juristes, la présomption d’innocence est un principe directeur de la procédure pénale, selon lequel la charge de la preuve de la culpabilité revient à l’accusation, et le doute doit toujours profiter au mis en cause. C’est donc, avant tout, une règle de preuve. La présomption d’innocence, qui ne joue un rôle que dans le cadre d’une enquête ou d’un procès pénal, ne fait pas obstacle à la liberté d’expression (et encore moins la liberté d’être en colère). A condition, toutefois, de ne pas présenter la personne concernée comme définitivement coupable et de rappeler le cas échéant qu’une enquête est en cours et que le mis en cause n’a pas encore été jugé ni condamné. Ces limitations à la liberté d’expression ont une implication concrète, notamment pour les médias. Par exemple, la loi interdit de diffuser sans son accord les images d’un individu menotté. 

A partir de ces informations, nous pouvons donc déduire deux choses :

  • Légalement, rien ne s’oppose à ce qu’une personne mise en cause dans une affaire de viol devienne Ministre de l’Intérieur (moralement, c’est une autre histoire).

  • De même, rien ne peut s’opposer au mouvement d’indignation qu’a provoqué cette nomination. Le tollé que celle-ci a soulevée (et qui pourrait bien se prolonger) n’est en aucun cas une violation du principe de la présomption d’innocence, qui rappelons-le est avant tout une règle de preuve en matière pénale.

Le double standard de la présomption d’innocence

S’indigner d’une telle nomination, c’est se placer avant tout d’un point de vue moral. Ce qui n’est pas une mauvaise chose en soi : la moralité, malgré l’image péjorative dont souffre ce terme, est aussi ce qui commande la plupart des règles en vigueur dans notre société (interdiction de l’inceste, interdiction de se faire justice soi-même, interdiction de voler, interdiction de tuer, etc). Elle est à la base même du droit.

Est-il éthiquement correct de nommer au Ministère de l’Intérieur – dont la mission est, entre autres, de garantir la sécurité des personnes et des biens – un homme visé par une plainte pour viol ? Imaginerait-on, par exemple, un ministre du Budget visé par une enquête pour fraude fiscale ? (oh pardon, c’est déjà arrivé en 2013 et le ministre en question a été démis de ses fonctions, malgré l’existence de cette présomption d’innocence qu’il ne faudrait surtout pas bafouer). Nommer à un ministère régalien un homme visé par une plainte pour viol est-il moralement acceptable, sachant que les violences faites aux femmes sont censées être la « grande cause du quinquennat » et que l’incurie de la police-justice en matière de violences sexistes et sexuelles ne cesse d’être démontrée ? (pour rappel, seuls 1% des violeurs dénoncés sont condamnés)

Sur ce sujet, la loi est silencieuse. Chacun décidera donc en son âme et conscience.

Mais une chose est sûre : celles (et peut-être ceux) qui jugent cette nomination honteuse sont libres d’exprimer leurs sentiments. Cela, rien ni personne ne peut s’y opposer.

User de sa liberté d’expression pour exprimer son dégoût, sa colère, son incompréhension, n’est pas bafouer la présomption d’innocence. Nous ne sommes pas dans un prétoire ; nous participons simplement au débat public, et notre colère, nous avons le droit, peut-être même le devoir de l’exprimer – autant que nous le voulons, et autant qu’il le sera nécessaire.

Parce que le double standard qui existe en matière de présomption d’innocence doit être dénoncé. 

D’autres personnalités politiques (François Bayrou, Marielle de Sarnez, François de Rugy, François Fillon pour ne citer qu’eux) ont en effet été contraint.es de démissionner dès lors que leur implication dans des affaires judiciaires a été découverte. Il ne s’agissait alors pas de bafouer la présomption d’innocence, mais bien de prendre des mesures de précaution, d’apaiser le débat et de faire preuve d’éthique et d’honnêteté morale. Ces valeurs-là, nous ne pouvons pas nous en prévaloir uniquement quand ça nous arrange. Soit nous les mettons en exergue, partout et tout le temps, soit nous les ignorons – partout et tout le temps.

En réalité, ce qui provoque la colère de tant de femmes, c’est que la présomption d’innocence – en tant que concept moral – est à géométrie variable. C’est qu’elle n’est invoquée que pour légitimer l’existence d’un ordre patriarcal, et passer sous silence les violences de certains hommes qui, sachant qu’ils resteront impunis, n’y voient qu’un banal amusement. 

On sait que les violences sexuelles sont banalisées, normalisées, ignorées par la plupart des gens. Cette affaire en est un puissant symbole. Il n’est pas acceptable pour un homme politique d’être soupçonné de détournement de fonds publics, mais être soupçonné de viol, ça passe.

Parce que le viol, on s’en fout. Parce que le viol, c’est une affaire de femmes qui mentent. Parce que le viol, ça fait partie du patrimoine culturel, avec les mains au cul et les remarques graveleuses qui se veulent drôles et spirituelles. On le savait depuis longtemps, mais tout de même : drôle de message envoyé par un gouvernement qui a fait des violences faites aux femmes sa « grande cause du quinquennat ».

presomption-dinnocencee

Pourquoi la présomption d’innocence se transforme (presque) toujours en présomption de culpabilité des victimes ? 

Les affaires de violences sexuelles soulèvent une particulière défense de la présomption d’innocence – bien plus que pour toutes autres affaires.

Cela démontre, une fois de plus, que la culture du viol est toujours à l’oeuvre dans notre société, malgré les avancées féministes.

Le corollaire de la présomption d’innocence en matière de violences sexuelles serait donc la présomption de culpabilité des victimes, comme si l’existence de ce principe juridique signifiait que tous les mis en cause étaient nécessairement innocents, et toutes les accusatrices étaient nécessairement dans le mensonge, l’exagération ou la vengeance. Or, pas plus que nous n’avons de certitude que le mis en cause est coupable, nous n’avons aucun moyen de savoir si la plaignante dit vrai ou pas – on rappellera néanmoins que les fausses accusations de viol représentent 2 à 8% seulement des plaintes. 

Si nous tenons tant à défendre la présomption d’innocence, ayons donc le bon sens de ne pas supposer que les victimes sont coupables.

Et interrogeons-nous sur les réactions – souvent violentes, viscérales – que suscitent les affaires de violences sexuelles. Pourquoi sommes-nous, dans ces cas précis, si prompts à défendre l’agresseur présumé ? Pourquoi brandissons-nous la présomption d’innocence comme s’il s’agissait d’un totem d’immunité, alors même que des délits comme la fraude fiscale ou la corruption, tout présumés qu’ils soient, échouent à susciter chez nous la même indulgence ? Qu’est-ce qui fait que nous sommes si prompts à défendre les violences sexuelles – réelles ou présumées ?

Qu’est-ce que cela dit de nous, et de la société dans laquelle nous vivons ?

Les lamentations victimaires des tenants de l’ordre ancien – celui dans lequel les hommes dominent, et les femmes n’ont qu’à fermer leur gueule – ont beau changer de fond, elles conservent toujours la même forme. Les femmes exagéraient quand elles réclamaient le droit de vote. Les femmes faisaient preuve d’une radicalité dangereuse lorsqu’elles demandaient l’accès à l’avortement légal. Ensuite, elles menaçaient la structure de la société tout entière lorsqu’elles réclamaient des salaires égaux pour un travail égal. Puis on en vint à s’inquiéter du fait que les femmes et les hommes ne pourraient bientôt plus prendre l’ascenseur ensemble (« argument » favori des antiféministes, qui l’ânonnent avec la vigueur d’un disque rayé). A chaque avancée, il existe un obstacle correspondant.

Maintenant, nous nous attaquons au plus gros morceau : la prise en compte – tant d’un point de vue préventif que curatif – des violences sexuelles envers les femmes. De manière inévitable, les résistances s’organisent. Les agresseurs, les violeurs, les harceleurs et tous ceux qui profitent d’une situation de domination n’ont aucun intérêt à ce que la société prenne enfin la mesure de la situation. Cela signifierait en effet la fin de l’impunité, la fin de la complicité, la fin de la jouissance tranquille. Lorsque Emmanuel Macron explique qu’il s’est entretenu « d’homme à homme » avec le nouveau Ministre de l’Intérieur, il ne dit pas autre chose : ces trois mots simples sont l’expression de cette connivence, cette complicité masculine qui protège les agresseurs et fait taire les victimes.

Alors, veillons à ce que la présomption d’innocence ne devienne pas un outil pour réduire au silence des femmes qui peinent déjà à s’exprimer, et battons-nous pour que notre pays sorte enfin de son aveuglement mortifère, et pour que cesse cette indifférence cinglante dont il gratifie ses citoyennes.

Il mérite mieux que ça, et nous aussi.

Image

Girls don’t kill

La violence féminine est-elle un oxymore ?

Elle reste, en tout cas, largement (pour ne pas dire uniquement) traitée sous le prisme de la pathologie. Les femmes violentes, meurtrières, infanticides, criminelles, ou tout simplement délinquantes, énervées, fermement politisées, ayant le poing et la répartie faciles, sont souvent vues comme des « anomalies ». Monstres de foires, objets de curiosité morbides, elles n’ont le choix que d’être folles, ou victimes.

 

artisteVirut

 

Jacqueline Sauvage, Véronique Courjeault (la fameuse affaire des « bébés congelés »), Cécile Bourgeon (mère de la petite Fiona, qui fut battue à mort avant d’être enterrée), Fabienne Kabou (qui abandonna son bébé sur une plage de Berck à la marée montante), Michelle Martin (ex-épouse et complice de Marc Dutroux), mais aussi les « filles » de la secte de Charles Manson…

Ces femmes tristement populaires, qui ont toutes en commun d’avoir tué, ont été décrites par les médias comme « instables », « fragiles », « influençables », souvent « sous emprise ». Leur violence fut présentée comme un effet collatéral, comme la résultante d’une pathologie qui les dépasse : elle ne peut pas exister pour elle-même, ni naître en réaction à un élément extérieur. En cela, elle doit nécessairement être précédée par leur psychisme fragile, leurs traumatismes passés, leur extrême vulnérabilité.

Victimes d’elles-mêmes, ou des autres.

Quand elles ne sont pas les jouets ni les extensions de la violence masculine, donc, les femmes violentes sont malades  – un mot fourre-tout, qui permet d’expliquer tout et n’importe quoi.

Leur violence est pathologisée, « justifiée » par des troubles divers, des traumatismes anciens, des enfances martyres. Leur monstruosité doit s’expliquer par des éléments parfaitement rationnels, pour contrer l’absence de sens qu’elle représente par son existence même.

Pourquoi cette absence de nuance ? Que dit de nos biais de genre la façon dont nous traitons la violence des femmes ?

Pour voir poindre une (toute petite) ébauche de réponse, commençons par analyser le traitement journalistique et/ou artistique de certaines affaires criminelles impliquant des femmes.

Prenons le cas Michelle Martin (ex-femme de Marc Dutroux), surnommée « la servante du diable ». Son surnom l’indique : elle ne fait que servir. Pour un peu, on pourrait presque la croire irresponsable. On s’aperçoit d’ailleurs, quand on lit les articles qui lui ont été consacrés, que les journalistes lui dénient toute autonomie, tout libre-arbitre en sous-entendant largement qu’elle ne mesurait pas la portée de ses actes. On dit d’elle qu’elle a foncé dans le tas sans réfléchir, sans se rendre compte de ce qu’elle faisait, folle amoureuse d’un diable et soumise à ses moindres désirs. Sous emprise.

Cécile Bourgeon, elle, est décrite comme étant une « compagne sous influence », une femme « fragile » qui n’avait plus son « libre-arbitre ». Ce qui ne l’a pas empêchée de commettre des maltraitances sur sa fille, puis d’enterrer son corps mort.

Quant aux adeptes de Charles Manson (responsables, avec un autre homme, du massacre de Sharon Tate en 1969), elles sont des « adolescentes paumées et immatures », des « vestales », qui « torturent et tuent en [son] nom et sur [son] ordre ». Deux livres sont récemment parus à ce sujet : « The girls », d’Emma Cline, et « California Girls » de Simon Liberati, qui contribuent – sans nécessairement le vouloir – à romantiser cette ignoble affaire. 

51DU8iYuy0L__SX210_

Même dans le glauque, le sale, la barbarie la plus absolue, ne pas oublier de romancer la féminité, de la rendre vaguement rock, glamour et sexy – avec un soupçon de mythologie romaine, si possible –, de lui conférer un parfum de soufre, de l’associer à la soumission, la perdition, la servilité la plus crue. Ne pas émettre l’hypothèse que, peut-être, ces filles-là savaient parfaitement ce qu’elles faisaient.

Qu’elles étaient peut-être moins paumées que nous devant cette réalité qu’elles mettent au jour, à savoir que la violence n’a pas de genre.

 

 

Le cas des femmes parties en Syrie rejoindre Daech est à ce titre parlant. Celles-ci ont souvent été présentées dans les médias comme « les femmes des combattants de l’EI », un surnom qui les exonère discrètement de toute responsabilité individuelle, en plus de faire d’elles de simples accessoires dépendants de la pensée et de la volonté d’autrui.

Dans les articles qu’on leur consacre, elles sont généralement décrites comme des « proies faciles », des femmes « perdues », « à la personnalité fragile », « sous emprise de la propagande développée par les djihadistes ».

Vulnérables, ignorantes, incapables de saisir la portée de leurs actes. De funestes idiotes.

C’est oublier (ou à ne pas croire à) leur détermination, leur violence, le tranchant de leur pensée, la radicalité de leurs convictions.

Ces femmes bénéficient également d’une tolérance plus grande de la part de l’opinion publique, peut-être grâce à leurs enfants – desquels on peine à les dissocier – et à la vulnérabilité dont on les affuble : globalement, nous sommes plus prompts à voir dans leurs actes une cruelle erreur de jeunesse.

Et lorsqu’on découvre que certaines d’entre elles sont à l’origine d’un projet d’attentat (en septembre 2016, deux femmes de 29 et 19 ans ont tenté de mettre le feu à une voiture remplie de bonbonnes de gaz aux abords de Notre dame de Paris), on tombe des nues : quoi, comment ? Des femmes terroristes ?

On cherche l’homme qui, en arrière-plan, doit nécessairement tirer les ficelles. Ne le trouvant pas, on s’offusque alors de ce monde qui part à vau-l’eau, de ces filles qui se masculinisent (la seule et unique référence étant évidemment le masculin), se gorgent de violence, se modifient génétiquement.

Un mystère insondable.

 

 

Discours genrés

Globalement, le discours dominant consiste à exonérer –  ou a minima justifier par des éléments extérieurs – la responsabilité individuelle des femmes violentes, comme si leur essence même excluait chez elles toute velléité de violence. 

Quand on déroule le fil de leur vie, le scénario est presque toujours le même : enfants puis adolescentes fragiles, elles mènent une vie de tâtonnements avant de rencontrer leur futur partenaire. C’est là, rideau noir, que leur vie bascule. Elles n’étaient pourtant pas destinées à faire le mal. S’il n’y avait pas eu cette funeste rencontre, elles seraient restées dans le droit chemin, fidèles à ce que la société attend des femmes : bonnes citoyennes, bonnes épouses, bonnes mères, sages et bien peignées. Mais le destin en a voulu autrement, faisant d’elles les marionnettes de la folie d’autrui.

Dans ces récits, il y a presque toujours un mentor, un chef d’orchestre qui, à la faveur d’une rencontre, referme ses griffes sur une pauvre femme égarée et la modèle à son image, lave son cerveau de toute morale, l’éduque à la monstruosité. Le grand méchant loup et la brebis égarée. Le Mal qui pervertit le Bien.

Lorsque nous évoquons la violence des femmes (que nous dissocions soigneusement de la violence humaine, la femme étant l’Autre, le particulier), nous y apposons une éternelle vision genrée. Ainsi, nous sommes incapables de voir les criminelles autrement que comme les avatars des hommes violents, comme si elles ne pouvaient pas exister par et pour elles-mêmes.

*

Les hommes tuent parce qu’ils sont en colère, déçus, trahis, trompés. Leur fureur est légitime, socialement comprise et excusée. L’horreur qui surgit ne constitue aux yeux de la société qu’une réaction banale et prévisible face aux lâches manquements des autres : une femme qui se dérobe, un voisin qui fait du bruit, un enfant qui désobéit. L’abjecte expression « crime passionnel », qu’on rencontre encore souvent dans les rubriques faits divers, contient à elle seule toutes les justifications apportées par la société aux accès de violence, aux désirs de destruction des hommes.

Les femmes violentes, a contrario, forment une constellation de taches noires sur la ligne droite de la normalité sociétale, et tout particulièrement sur la normalité du genre. Lorsqu’elles tuent, c’est parce qu’elles sont en proie à la folie, au délire, à la maladie, ou parce qu’elles ont subi un lavage de cerveau. Lorsque les femmes manifestent de la violence, c’est soit un effet de leurs névroses, soit un effet de leur soumission, de leur dépendance à autrui, de leur faiblesse en fin de compte. Il lui a dit de tuer, et elle l’a fait. Il l’a poussé à commettre des actes terribles, elle s’est exécutée. Elle ne se rendait pas compte. Elle était prise dans ses filets. Il la manipulait.

Dans tous les cas, elles ne sont pas « normales », puisqu’elles contreviennent aux prescriptions genrées qui voient les femmes uniquement comme des victimes, et non comme des bourreaux.  

Certes, la violence naît souvent sur le terreau de la souffrance psychique. Mais « déresponsabiliser » les femmes de leurs actes, en invoquant la folie, la maladie, l’emprise, revient aussi à leur nier tout libre-arbitre, toute maîtrise d’elles-mêmes, toute indépendance dans les actes comme dans les idées. À faire de la violence une prérogative exclusivement masculine. Comme si les femmes ne pouvaient faire preuve de violence, de cruauté, de barbarie que lorsqu’elles y sont contraintes – par un tiers, ou par un jeu malheureux de circonstances.

Comme si la violence ne pouvait pas naître dans un système féminin.

Une étude française de 2012 a d’ailleurs montré que les juges sont plus indulgent.e.s avec les femmes, en comparant les sanctions prononcées en comparutions immédiates à l’encontre de 1228 prévenu.e.s (hommes et femmes confondus).

La conclusion est claire : en prenant en compte quatre critères (infraction commise, antécédent judiciaire, situation professionnelle et nationalité), les femmes sont moins condamnées, ou bien condamnées à des peines moins lourdes que leurs homologues masculins. A situation comparable, elles bénéficient plus souvent d’une relaxe ou d’une peine de prison assortie d’un sursis.

« Cette indulgence vis-à vis des femmes se vérifie d’autant plus que le délit est perçu comme ‘masculin‘, a expliqué l’un des auteurs de l’enquête, Thomas Léonard. « Moins une femme est crédible dans l’infraction qui lui est reprochée, plus elle sera jugée de manière clémente ». Ainsi, « les délits avec violences sont, dans l’imaginaire collectif, associés aux hommes ».

*

En réalité, les magistrat-e-s ne font que calquer leurs propres biais de genre sur des réalités aussi complexes que disparates. Nous pensons aux femmes comme des êtres doux, inoffensifs, empathiques, maternels (où que l’on se place, la sempiternelle figure de la mère n’est jamais très loin). L’idée même qu’elles puissent être animées de mauvaises intentions, qu’elles puissent tuer, violenter, torturer sans y avoir été précédemment contraintes dépasse notre système de pensée.  La violence des femmes, pourtant bien réelle, se heurte à la vision archaïque que nous entretenons du féminin.

Même les milieux féministes tendent à nier la violence des femmes ou à l’excuser, contribuant ainsi à renforcer les stéréotypes de genre : Elle n’a jamais voulu aller aussi loin. Elle ne se rendait pas compte de ce qu’elle faisait. C’était une femme fragile et abîmée par la vie. 

Pourtant, vouloir défendre les femmes à tout prix parce qu’elles sont femmes ne sert pas la cause féministe : bien au contraire.

 

 

 

Politique de la violence

Enfin, il y a le cas de la « violence ordinaire ».

Quand les femmes descendent dans la rue, quand elles manifestent, quand elles crient, quand elles protestent, quand elles cognent, on s’étonne ainsi de les trouver là, dans cette agora où elles sont d’habitudes si peu visibles.

On les observe alors d’un œil circonspect, tentant de disséquer leurs motivations, se lançant à corps perdu dans de grandes analyses sur l’élan qui les anime. Que veulent-elles ? Pourquoi crient-elles ? La femme politisée est toujours objet de curiosités, parce qu’elle transcende sa condition millénaire : en refusant d’être cantonnée à l’ombre et au silence, elle rejoint la lumière, le mouvement, la cité, les clameurs, autant d’éléments qui ont longtemps été réservés aux hommes.

Ainsi, il y a les gilets jaunes, et il y a les femmes gilets jaunes. Tout comme il y a le peuple algérien (sous-entendu : les hommes) qui proteste, et il y a les Algériennes qui protestent.

Une division (pas si) subtile, qui renvoie à la différenciation sexuée et sexiste que nous opérons entre les hommes (l’universel, le neutre) et les femmes (l’autre, l’additionnel, le particulier).

Mais opposer les femmes aux hommes dans le champ des revendications politiques revient à opérer une scission qui n’a plus lieu d’être. Il est acté, dans la loi et dans les mœurs, que les femmes appartiennent tout autant à la sphère publique que les hommes ; à cet égard, la citoyenneté, la politique, les idées ne sont plus l’apanage du masculin depuis longtemps. Et d’ailleurs, les différences biologiques entre femmes et hommes ne les ont jamais empêché.e.es de se rejoindre dans cette chose universelle qu’est la colère.

Dans « La violence des femmes : occultations et mises en récit », publié en 2011, les sociologues Coline Cardi et Geneviève Pruvost écrivent très justement :

« L’un des moyens de préserver la distinction entre les sexes, puisque tel est l’un des ressorts de l’invisibilisation des femmes violentes par les institutions du contrôle social, peut être à l’inverse de réduire la focale à quelques cas spectaculaires, en associant la violence féminine à des figures, significativement dotées d’un prénom, d’un nom propre qui les particularisent, et à un répertoire d’action typiquement féminin : sans décliner la variété des classifications qui traversent les époques et des mondes sociaux, on se contentera de citer l’infanticide, le crime passionnel, l’empoisonnement, l’avortement. Ces crimes seraient le domaine réservé des femmes. Parce qu’ils sont liés à la scène domestique et conjugale, ils ne contreviennent pas aux stéréotypes de sexe. »

Elles démystifient également la violence féminine, en rappelant que sa rareté relative ne doit pas pour autant nous inciter à nier son existence ou à l’enrober de jolis atours.  En effet, si elle est bien « soumise à davantage d’obstacles organisationnels et symboliques », la violence féminine n’en est pas moins possible. Et réelle. 

Et de rappeler, de manière fort à propos, que « les femmes violentes sont [en effet] doublement déviantes : déviantes par rapport à la loi ou aux règlements qui proscrivent l’usage de la violence, déviantes par rapport aux frontières de genre qu’elles transgressent en usant d’un attribut masculin : la violence ».

Et c’est vrai que la violence des femmes semble beaucoup moins bien digérée que celle des hommes : peut-être parce qu’elle apparaît, dans l’inconscient collectif, comme « contre-nature ».

Quoique cela n’ait pas valeur d’étude sociologique, il suffit pour s’en rendre compte de lire les commentaires sous les articles traitant des femmes criminelles – le « pire » sort étant réservé aux mères infanticides : des tombereaux d’insultes, d’appels à un retour de la peine de mort, de crachats envenimés. Elles engendrent une rage incandescente, une haine aveugle, comme si leur faute ne se situait pas seulement dans le fait d’avoir enfreint la morale et donc la loi, mais aussi d’avoir outrepassé leur « place » de femme.

De s’être aventurées au-delà des frontières du genre, en se dressant violemment contre la sagesse, la douceur et la réserve que l’on prescrit aux femmes.

Et transgressant, par là, l’un des plus vieux tabous du monde. 

 

NB : en cherchant des images libres de droit pour illustrer cet article, les mots clés « femme violente » ne m’ont menée qu’à des images de femmes terrifiées, roulées en boule, courbées sous la menace d’un poing masculin. Une preuve de plus que, si la violence des hommes est acceptée voire banalisée [en particulier lorsqu’elle s’exerce sur les femmes], celle des femmes reste aujourd’hui un impensé.
Image

Il faut sourire pour être belle

trophy-wife-barbie-8
@Trophy Wife Barbie ©
Souris !
Alors, on a perdu son sourire ?
Tu serais tellement plus jolie si tu souriais…

Quelle femme n’a jamais fait les frais de cette fameuse injonction à sourire, qu’elle émane d’un.e proche ou d’un.e inconnu.e ?

En tant qu’individus de sexe féminin, notre fonction première est esthétique. Nous devons être décoratives, avenantes, d’un abord agréable. Nous devons occuper l’espace avec grâce et harmonie, à la manière d’un philodendron astucieusement placé dans un coin de la salle à manger.

Au départ, personne n’attend de nous que nous fassions de grandes choses ; que nous nous réalisions par le travail, la passion, l’aventure ; que nous nous consacrions d’abord à nous-mêmes, à nos vies, à nos désirs et à nos ambitions. Personne n’attend de nous des réalisations, des opinions, des œuvres, des réflexions, des colères, des positions tenues fermement.

Nous naissons avec la lourde tâche de plaire, non pas à nous-mêmes mais aux autres – c’est-à-dire les hommes.

Et les hommes ne nous veulent pas seulement souriantes. Le sourire n’est pas une fin en soi, mais un moyen ; un symbole de la soumission, de l’obéissance et de la politesse servile qui est attendue de nous. Il est aussi, plus encore, un gage d’innocuité. L’assurance que nous resterons bien à « notre » place, sans causer de vagues ni brandir aucune revendication.

Quel signe d’obédience est en effet plus fort qu’un sourire, accroché aux lèvres en toutes circonstances, même lorsque la douleur et la colère sourdent ?

*

Le sourire des femmes se serait popularisé à la fin du 19ème siècle, lors de l’avènement de la publicité. Il était alors utilisé pour présenter et valoriser les produits, constituant ainsi un nouvel argument de vente. Avant cela, le sourire féminin était considéré comme suspicieux, voire immoral  – particulièrement lorsqu’il s’affichait dans l’espace public.

38bd76c76909d3d17821986e52836d7cbeauty-is-my-business-career

Depuis, les sphères de la publicité, des médias et de la culture continuent gaiement sur cette lancée, en cantonnant les femmes à un rôle de bibelot destiné à égayer le paysage, et distraire un regard masculin conçu comme unité de mesure universelle.   

Mais les femmes ne doivent pas seulement être plaisantes à regarder : elles doivent aussi être accortes, serviables, dociles. On pense aux hôtesses d’accueil, déployées dans les entreprises, les salons et autres raouts médiatiques pour accueillir le visiteur avec un sourire décoratif. On pense également aux intelligences artificielles, qui sont la plupart du temps genrées au féminin. De Cortana (Microsoft) à Alexa (Amazon), en passant par le GPS programmé avec une voix féminine par défaut, les assistants vocaux renforcent les stéréotypes de genre en associant automatiquement le féminin à l’assistanat. Pensés et programmés par des ingénieurs, ces robots genrés sont la transcription matérielle du droit que les hommes pensent détenir sur les femmes : celui d’être assisté, bichonné et diverti par elles.

*

Dans la « vraie vie », l’injonction à sourire nous dépouille pernicieusement de notre droit à être une personne à part entière, avec une humeur variable et des émotions propres. Elle nous contraint à délégitimer et mettre à distance nos sentiments, puisque nous ne serions de toute façon pas importantes – moins, en tout cas, que le bien-être et la satisfaction d’autrui.

Mais elle met aussi en exergue, peut-être plus encore que d’autres injonctions sexistes, la façon dont les femmes sont (encore) considérées.

Lorsque certains hommes se permettent d’exiger que de totales inconnues (ou même des proches) leur sourient, ils les réduisent au statut de biens publics, manœuvrables à loisir et disponibles pour le tout-venant. Elles ne sont pas des personnes à part entière, mais des objets ayant pour fonction première de divertir, enjoliver, décorer.

Imaginerait-on un homme se faire interpeller par un.e illustre inconnu.e pendant sa balade du dimanche, pour le sommer de « faire un p’tit sourire » ? Ce scénario paraît presque relever de la science-fiction, car personne n’attend des hommes qu’ils se montrent disponibles pour répondre aux exigences du premier péquenaud croisé dans la rue, ni qu’ils décorent agréablement l’espace.

En sommant les femmes de sourire, les hommes expriment publiquement le droit qu’ils pensent détenir sur le corps de celles-ci. Le corps : celui de toutes et de personne à la fois, une chose publique indifférenciée.

En réalité, l’injonction à sourire est une forme de contrôle social de la féminité, au même titre que ces artefacts esthétiques que sont le maquillage, les talons hauts ou les soutiens-gorges. Ce n’est pas un hasard si la poupée Barbie affiche un sourire XXL en toutes circonstances. Ni si les magazines féminins publient régulièrement des articles dans lesquels on peut lire que « le sourire, c’est l’accessoire le plus important ! » – assimilant ainsi une manifestation humaine de joie ou de bien-être à un sac à main en cuir souple. Enfin, ce n’est pas non plus un hasard si la publicité montre en permanence des femmes au bord de l’orgasme, confites dans une béatitude presque idiote, même lorsqu’elles ne font que manger un yaourt ou programmer une machine.

Le message sous-jacent est clair : sois belle et tais-toi.  

*

Il y a donc deux volets à cette problématique : l’injonction à sourire en tant que telle, mais aussi l’injonction plus globale à être agréable, accorte, divertissante. Prendre en charge, arrondir les angles, apaiser, soulager, adoucir, décorer, enjoliver. Prouver que l’on vient en paix, qu’on est par conséquent inoffensive, obéissante, dépourvue de griefs, de pouvoir, de colère. De toutes ces choses dont la société ne sait jamais que faire lorsqu’elles émanent des femmes.

Les métiers de service, souvent occupés par des femmes (hôtesses d’accueil, serveuse, opératrice en centre d’appel, hôtesse de l’air…) sont particulièrement touchés par l’injonction à afficher un sourire en toutes circonstances. La sociologue Arlie Hochschild a ainsi théorisé le concept de « charge émotionnelle », en étudiant les domaines professionnels dans lesquels les salarié.e.s doivent réprimer ou moduler leurs émotions pour favoriser le bien-être de leurs client.e.s.

Sur ce sujet, une étude américaine récente a d’ailleurs montré un lien entre consommation d’alcool et métiers nécessitant d’afficher un visage jovial en toutes circonstances. Selon cette étude, les personnes travaillant au contact du public – et devant passer une partie non négligeable de leur temps à sourire – consomment plus d’alcool que les autres, et ressentent plus le besoin de boire un verre ou plusieurs à la sortie du travail. En cause, notamment, le stress induit par le fait de devoir réprimer ses émotions et de porter un « masque » au travail.

Cette charge émotionnelle se retrouve aussi dans le couple, lorsque les femmes prennent en charge le bien-être physique et mental de leur partenaire… au détriment du leur.

Mais les injonctions à sourire et à être agréable ne touchent pas que les métiers de service. Quel que soit le poste qu’elles occupent, nous attendons de toutes les femmes qu’elles se montrent attentives, souriantes et pleines de sollicitude. Politiques, vendeuses,  artistes, dirigeantes ou employées de bureau, les femmes sont perpétuellement sommées d’afficher un visage affable, qu’importe que les circonstances s’y prêtent ou non : et si elles échouent à se conformer à ce code de la « bonne » féminité, les sanctions sociales ne tardent pas à tomber. 

Jennifer Pierce, une sociologue américaine, a ainsi démontré dans une étude que s’il est attendu des avocats qu’ils se montrent « dominants » et « agressifs », les avocates tendent à être pénalisées si elles adoptent le même comportement que leurs homologues masculins.

En somme, nous ne tolérons pas que les femmes sortent de ce carcan de la féminité traditionnelle fait de politesse, de charme et d’aménité, ni qu’elles transgressent le rôle de genre qui leur a été dévolu à la naissance. Les doubles standards de la beauté nous le montrent bien : une femme, c’est fait pour être joli et accommodant, pas pour afficher des opinions fortes et des émotions propres.

Elle est sommée de paraître pour le bon plaisir et le divertissement des autres, mais sa liberté d’être passe en second.

À côté, les hommes ont toute latitude pour être qui ils veulent, dans les conditions qu’ils veulent, et cela inclut notamment de ressentir des émotions négatives, d’opposer au monde un visage neutre, ou tout simplement de faire la gueule.

« Les femmes, qui doivent se montrer polies à la fois dans leurs actes et dans leurs paroles, sont enjointes plus que les hommes à sourire. Quand elle écoute quelqu’un, une femme hochera souvent la tête en souriant pour exprimer son attention. Si elle ne sourit pas, elle pourra être perçue comme étant « en colère » explique ainsi l’historienne américaine Londa Schiebinger.

Dans un article du magazine Bustle, une femme témoigne de la mésaventure qu’elle a vécue à l’aéroport. Alors qu’elle venait d’écourter un voyage suite au décès de sa grand-mère, elle demande de l’aide à un agent… qui lui répond : « d’abord, vous devez me faire un sourire ».

« Je venais de prendre un vol de dernière minute, je voyageais depuis dieu sait combien de temps à ce moment-là, je voulais simplement me rendre à mon prochain vol sans me mettre à pleurer en public, et ce connard a exigé que je lui fasse un sourire avant même de répondre à ma question. […] Alors je lui ai fait un putain de sourire et j’ai pleuré dans le métro, parce que j’étais humiliée et en colère. J’avais des marques et des poches bien visibles sous les yeux après avoir passé des jours à pleurer, mais la seule chose dont se souciait cet homme, c’était que je ne lui avais pas demandé de l’aide assez gracieusement à son goût ». 

Personnellement, je ne compte plus les fois où l’on m’a demandé de sourire – fait intéressant, la requête provenait aussi bien d’hommes que de femmes (jamais les dernières quand il s’agit de sexisme intériorisé). Quand j’étais enfant, mon visage neutre n’était apparemment pas assez conforme à ce qu’on attend d’une petite fille – se montrer exquise, sémillante, perpétuellement rieuse – puisque j’étais très régulièrement rappelée à l’ordre… Jusqu’à ce que mon deuxième prénom devienne presque « Souris ». N’ayant pas conscience de la dimension sexiste de la chose, il m’arrivait de m’exécuter à contrecœur. Mais au fond de moi, je trouvais tout de même étrange que des personnes que je ne connaissais pas plus que ça puissent se permettre d’exiger de moi quelque chose d’aussi intime, subjectif et personnel qu’un sourire. Depuis que je suis adulte, ce genre de sommation s’est considérablement raréfié – bien qu’elle n’ait pas, rassurez-vous, totalement disparue. De là à établir un lien entre la malléabilité inhérente à l’enfance et l’exercice décomplexé du sexisme qu’elle permet, il n’y a qu’un pas… que je franchirais allégrement.

Et puisqu’on y est, le saviez-vous ? Marcher dans la rue, acheter des tampons au supermarché du coin ou manger une salade – aussi goûteuse soit-elle – ne sont pas des situations qui provoquent spontanément le sourire humain.

0bYfSqpMj3lm0ACHh
Quoi qu’en dise ce genre de publicité débile.

Non, nous ne vous ferons pas un grand ni un petit sourire et non, vous ne demanderiez jamais la même chose à un homme.

Ce n’est pas un secret que le sexisme se cristallise largement sur le corps des femmes. En exigeant d’elles qu’elles se comportent en permanence comme des androïdes souriants,  on leur dénie le droit à la colère, aux émotions, à la liberté de disposer de soi-même. 

Le droit de faire la gueule, d’être moche, énervée, fatiguée, ou tout simplement de ne rien ressentir de spécial.

Le droit d’être une personne à part entière, dotée d’une autonomie et d’une volonté propres.

*

Votre sourire n’appartient qu’à vous : vous ne le devez à personne, que l’individu qui pense pouvoir l’exiger de vous soit un.e proche ou bien un.e illustre inconnu.e. Sachez que la seule réponse qu’amène un « souris ! » arbitraire, qui n’est rien de plus qu’une injonction sexiste à remplir convenablement votre rôle de femme, est un simple regard vide pouvant aisément se traduire par « je t’emmerde ».

Quant à vous, les mecs, sachez que la femme à laquelle vous tentez d’extorquer un sourire ne vous doit rien, si ce n’est la plus belle des indifférences.

giphy